Les îles Kneiss à Sfax

Par Zaher Kammoun

L’archipel d’El Kneiss est situé dans une zone de hauts fonds étendus à une quinzaine de kilomètres de long et 10km de large au sud de Mahrès à Sfax entre Ras Younga et le chenal qui permet d’accéder au port pétrolier de la Skhira. Cet archipel a pris son nom grâce à la présence d’une knissa ou église

L’archipel d’el Kneiss est constitué de 4 iles :

  • La grande Kneiss ou Dziret el Bessila de forme grossièrement circulaire, à un diamètre maximal de 2,5 km, très basse, marécageuse et peuplée d’oiseaux. Cette ile est fréquentée par les pêcheurs. Elle était mentionnée dans le portulan du Pseudo-Scylax. elle est formée de terres basses et salées, parcourue par de chenaux de marées, autour d’un noyau de grès de formation Rejiche qui date d’environ 125000 ans. On a trouvé sur cette ile des vestiges d’une citerne et quelques tessons d’amphores africaines tardives

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  • Trois iles minuscules s’échelonnent sur 3km dans la direction du Sud Sud Ouest :

- Dziret el Hjar ou ilot de rocher : formée d’un affleurement de grès dunaire de la formation Rejiche et présente une falaise vive ne dépassant pas 2 m de hauteur. Au sommeil on voit les traces d’une citerne. On a trouvé des tessons d’amphores et des fragments de roches allogènes

- Dziret el Laboua : de dimensions de 45 m sur 40 m, cette ile ne dépasse pas 3 ou 4 m au dessus des hautes mers. Elle est constituée par un banc rocheux de grès calcaire d’origine marine, moyennement cimenté appartenant à la formation Rejiche. Sur cette ile on a trouvé des traces de vestiges

- Dziret el Gharbia à l’Ouest : elle est constituée par un affleurement de grès fin oolithique de la formation Rejiche surmontée par une couche de limons rouges wurmiens. On a trouvé sur cette ile une batterie de citernes garnies d’un béton étanche

  • Des oueds de largeur de 100 à 500 et profonds de plusieurs mètres sillonnent la mer, le chanal principal s’appelle Oued ed Dam ou Rann

L’église d’el Kneiss

Cette église date de l’époque tardive, elle fut érigée sur dziret el Laboua. Plusieurs archéologues comme P, Cintas, G. Feuille, L. Poinssot et Ch. Saumagne ont parlé de cet édifice. Des relevés ont été faits en 1941. On a trouvé des structures bâties (de 36 m sur 20 m) réalisées en moellons et en blocs de grand appareil, des colonnettes en marbre blanc, des chapiteaux en calcaire importés du continent, des claveaux d’arc en calcaire jaune importé, des fragments de plaque de marbre veiné bleu-vert, des fragments de tuiles de couverture, claustra en plâtre servant de vitraux, cippes en pierre présentant des motifs à décor liturgique… Un chapiteau a été transporté au Bardo, un autre se trouve à Younga

Kneiss الكنائس الكنايس

Au chapitre XII de la Vita Fulgentii écrite au 6ème siècle après J.C par le Diacre Ferrandus, se trouve le passage ou il est question du monastère ou Saint Fulgence, l’évêque de Ruspe se retira vers 503-505 pour se consacrer à la prière et aux travaux manuels

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Le texte de Ferrand indique la présence d’une communauté nombreuse sur cette ile, elle vivait sous la conduite de deux prêtres. La question qui se pose comment une communauté de cette importance peut vivre dans cette petite ile ? Ceci est expliqué  par des effets de submersion. En 1587, F. Lanfreducci et J.O Bosio indiquent dans leur Costa e discorsi di Barbaria les iles kniess comme deux petites iles avec bancs

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Une campagne de prospection dans le cadre d’un programme tuniso-français a été faite en 1988

Elle a permis la découverte de plusieurs édifices :

  • Une tour-signal du Nadour octogonal construit pendant l’époque aghlabide de matériaux de réemploi. A 300 m de cette tour, près d’une falaise, se trouve les ruines d’un établissement antique très important, on a trouvé quelques blocs taillés de grand appareil, un fond de cuve déchaussé par la mer et descendu de la falaise. Ces vestiges indiquent une activité liée au traitement des produits de pêche. On peut même penser à un domaine rural

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  • A l’Ouest de la Skhira el Kdima, on a trouvé les deux basiliques chrétiennes fouillées par Mr Fendri en 1959
  • Les ruines de Henchir Ferchatt : on signale des murs, une vaste nécropole avec des mausolées dont un mausolée à pyramidion de tradition punico-hellénistique, des citernes. Des témoins de céramique ont permis la datation du site du 2ème au 5ème siècle après J.C

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  • Sur la rive est du Rejel ben Sehil, se trouvent les ruines de Zabouza, on a trouvé une sorte de bassin circulaire de revêtement de béton étanche, des fragments de marbre et un catillus en pierre de lave. A une centaine de mètres plus au Nord, se trouvent les vestiges d’un édifice chrétien : une cuve baptismale cruciforme enduite de béton de tuileau et présentent quelques traces d’un décor de mosaïque. Elle est entourée à peu de distance de fragments de colonnes et de chapiteaux ce qui indique la présence d’un baptistère

Au sud de Younga, on a identifié des ruines situées près de la Shirra Kedima (Henchir Flaguess). Parmi ces ruines une basilique cathédrale (selon N. Duval)

Sources

  • Kneiss, encyclopédie berbère, P. Trousset
  • Les iles kneiss et le monastère de Fulgence de Ruspe, Ameur Oueslati, Roland Paskoff, Hédi Slim, Pol Trousset
  • Vingt ans de recherches archéologiques sur l’antiquité tardive en Afrique du Nord 1975-1994. Deuxième chronique : supplément à généralités et Carthage- Tunisie. Noel Duval
  • Un monastère de Saint Fulgence, Jean et Pierre Cintas
  • Iles Kneiss, Poinsot, bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques, 1934-1935

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