Le site archéologique de Lamta

Par Zaher Kammooun

Lamta est une ville littorale du Sahel tunisien située entre Monastir au nord (14 kilomètres) et Mahdia au sud (28 kilomètres).

Le nom ancien de Lamta était Leptis Minor (la petite Lepti), il se distingue de Leptis Magna située en Tripolitaine (actuelle Libye). Elle portait aussi les noms Leptiminus, Leptis Minus ou Leptis Parva

Des fouilles ont été faites entre 1990 et 1992 par des tunisiens et des américains. Elles ont permis de connaître plusieurs informations sur cette ville antique

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La zone de prospection et des fouilles

L’inscription de Lamta

Cette inscription a été découverte près de la grande mosquée de Sayada en 1992, par les travaux de la Sonède. Il s’agit d’une dédicace faite par une certaine Pretiosa à son mari ou un parent nommé Felix. Cette inscription date du 2ème  siècle après J.C

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L'inscription de Lamta

L’histoire de Lamta

La période libyque

Lamta était à l’origine une agglomération libyque soumise aux influences puniques. Plusieurs Haouanets ont été découverts aux alentours de cette ville surtout près de sidi Marrakchi, à Sayyeda et dans quelques iles de Monastir comme les ilots de Sidi Ghdemsi et el Hmam

De la poterie modelée libyque a été découverte  près de Lamta

La période punique

La période punique à Lamta n’a pas encore dévoilé tous ces secrets, on ne sait rien sur sa fondation mais ce qui est sur que cette ville  existait à la  2ème moitié du 4ème  siècle avant J.C. Elle était mentionnée par Pseudo-Scylax et Polybius en parlant de la guerre de mercenaires. Selon Polybius, Lamta était le dernier lieu de combat entre Mathox le chef des mercenaires  et l’armée de Carthage

Tite-Live mentionnait aussi de Letis en parlant de la deuxième guerre punique : Hannibal débarqua à Leptis à son retour de l’Italie vers la fin de la deuxième guerre punique pour aider Carthage contre Scipion

Au début de la troisième guerre punique,  Leptis se range du coté de Rome contre Carthage avec 6 autres villes

Vestiges puniques

Des sources ont fourni quelques informations sur  les remparts et le port de Lamta, mais la plupart de documents s’intéressent à la nécropole punique de la ville.

Aujourd’hui, il ne reste presque rien de cette nécropole sauf quelques tombes de Henchir Methkal ou Dhhar Slema. La ville de Bouhjar a été construite sur une nécropole punique

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La nécropole de Henchir Mithkal

Le père de Smet a découvert 109 tombes à Henchir Mithkal en 1913. Les fouilles de P. Cintas ont permis la découverte d’autres tombes en 1953

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Coupe de deux tombes puniques de Henchir Mithkal

Une tombe punique a été creusée dans le roc, elle se constitue :

  • D’un puits rectangulaire de 2m maximum de profondeur. Un escalier peut être creusé pour faciliter l’accès à la tombe.
  • D’une chambre funéraire où le défunt était enterré, elle a une forme rectangulaire ou en cul de four

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A Lamta, une tombe peut contenir plusieurs chambres disposées en enfilade. On n’a pas trouvé d’auges sarcophages ou de banquettes destinées aux morts comme dans les autres tombes puniques.

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Un second type de tombe a été trouvé à Lamta : il est plus simple, creusé en surface et formé d’une simple auge rectangulaire munie de feuillures pour le dépôt de la dalle de couverture

Quelques tombes de Leptis étaient décorées de bandes peintes en rouge comme le cas d’autres tombes du Sahel (Thapsus ou Mahdia). On trouve aussi du décor sculpté

Les puniques de Lamta, inhumaient la plupart du temps leurs morts, l’incinération est rare.

Trois méthodes d’inhumation étaient utilisées :

  • Allongé sur le dos
  • Placé sur le coté, les jambes fléchies
  • Placé sur le coté, les jambes ramenées vers la poitrine (position fœtale)

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Deux cranes de la nécropole Henchir Mithkal, portant des traces d'ocre

Les morts étaient généralement déposés au dessus d’une planche en bois reposant sur deux pierres posées aux extrémités, parfois sur un amas de pierres ou à même sur le sol. L’utilisation d’un sarcophage est rare

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Les enfants étaient inhumés dans des niches creusées dans les parois des chambres funéraires

Le mobilier funéraire punique était très riche : la nécropole punique de Lamta a livré de la céramique modelée et de la céramique punique tournée ou importée : on trouve des amphores à panse ovoïde, des unguentaria, des cruches, des amphorettes, des plats, des oenochoés, des vases, des pots, des biberons…. Les objets en métal sont rares (couteau, miroir, hachette rasoir) et les bijoux, les amulettes et les statuettes étaient absents

Un sarcophage en bois a été découvert à Lamta, il date du 3ème siècle avant J.C, il était avant un coffre domestique. D’autres sarcophages en bois ont été trouvés dans la région du Sahel : ils donnent des informations sur les techniques d’assemblage utilisées par les menuisiers puniques : des tenons, des mortaises et des  queues d’aronde

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Le sarcophage de Lamta

Des photos d'une tombe punique lors de sa découverte

La période romaine

Après la destruction de Carthage en 146 av. J.-C., les Romains octroient à cette ville le statut de « civitas libera et immunis » (cité libre et exempte d'impôts)

En 49 avant J.C, Leptis se range du coté de César contre Pompée au cours de la guerre civile romaine

Economie

Lamta était une ville portuaire florissante, elle exportait de nombreux produits agricoles et industriels pour l’Espagne, le Portugal, la Gaule, la Grande Bretagne, l’Egypte, la Palestine, la Syrie, l’Italie, l’Ostie…

La ville a été promue colonie sous le règne de l’empereur Trajan entre 98 et 117

Lamta était aussi un lieu de production et un centre de collecte des produits de la région et de l’arrière pays comme l’huile d’olive et le garum. Leptis était un centre de production de la céramique sigillée.

Cette ville importait les métaux  comme le fer, le vin, le marbre

L’économie de Leptis a probablement reposé aussi sur l’élevage des animaux, la pêche, l’oléiculture, la céréaliculture, le tissage et l’industrie céramique

La prospérité de la ville continue et la production des amphores augmente au 4ème siècle

Plusieurs amphores d’importation ont été découvertes à Lamta, elles étaient originaires de Rhodes, d’Egée, d’Italie, d’Istrie… Ces amphores contenaient de l’huile d’olive et du vin. Mais Lamta a produit ses propres amphores qui contenaient aussi de l’huile d’olive et du garum. Quelques amphores étaient estampillées, ceci permet d’identifier le potier

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La provenance des amphores

Entre 27 avant J.C et 14 avant J.C, sous l’empereur Auguste, Leptis a émis monnaie

Entre 100 et 250 après J.C,  la ville connut une grande prospérité. Plusieurs édifices fut érigés comme l’amphithéâtre, le forum, des thermes, deux aqueducs et peut être un théâtre

L’approvisionnement en eau

Les habitants de Leptis utilisaient les eaux des puits et les eaux de pluie emmagasinées dans des citernes souvent construites sous les maisons et les édifices publics

On a construit deux aqueducs à Lamta pour acheminer les eaux des collines environnantes et des sources pérennes. Un des aqueducs arrivait du coté de Sayada

Les techniques de construction

Les habitants de Lamta utilisaient pendant l’époque romaine plusieurs matériaux comme le moellon, le mortier, le marbre, la pierre ponce, les briques cuites, les tubes en terre cuite (tubuli), le plâtre, le grès, les tuiles en terre cuite…

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Brique hexagonale

On a découvert dans les thermes Est, des briques estampillées avec les mots latins ex officina  felix (de l’atelier de Felix)

Le mortier était un mélange de chaux, de sable et de l’eau

Le marbre était de plusieurs couleurs : le vert et le blanc de type cipollino, le jaune de type giallo antico ou marmor numidicum originaire de Chemtou, le gris blanchâtre…

Plusieurs techniques de construction ont été découvertes comme l’utilisation des voutes dans les thermes et les citernes, la construction des murs par de gros blocs, la construction des murs par des couches alternées de moellons et de mortier

La toiture des maisons étaient généralement plate et horizontale. Quelques monuments avaient des toits inclinés et constitués de tuiles en terre cuite

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La maison de Lamta

La décoration

Les murs étaient décorés par des couches de plâtre et blanchies à la chaux. Ils peuvent aussi être peints de plusieurs couleurs et motifs, couverts de mosaïque ou de marbre

Le dallage des sols était fait avec du marbre ou des pavements mosaïque

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Mosaïque géométrique, maison de Vénus

La céramique de Leptis

Plusieurs types de céramique ont trouvés à Lamta

  • De la céramique fine fabriquée au tour ou par moulage, souvent revêtue d’un engobe fin (de l’argile diluée dans l’eau) et ornée d’incisions ou de motifs, on trouve de la céramique fine  à vernis noir et la sigillée africaine
  • De la céramique ordinaire

On a trouvé à Lamta des lampes fabriquées au moyen de moules composées de deux parties.

Vestiges

Plusieurs vestiges romains ont été découverts à Lamta comme : un port, un amphithéâtre, un aqueduc, des citernes, des thermes, des nécropoles, des fours…

Les fours d’amphores de Leptis

Les fours de cette villes étaient grands et cylindriques, dotés de chaufferies souterraines et d’un étage supérieur qui recevait les récipients à cuire. Cet étage est muni d’ouvertures au sommet et sur les cotés. Les parois du four étaient en briques cuites. La température des fours étaient parfois difficiles à contrôler

Le port

Lamta est située dans une baie de hauts-fonds entre Monastir et Ras Dimès. De nos jours la profondeur de l’eau dépasse rarement 2-2m. Pendant l’antiquité, la mer était moins profonde de l’ordre de 50cm

Le port de Lamta était formé de jetées qui protègent les navires amarrés contre les vents et les vagues, d’une voie qui avait été construite sur la base de deux rangées parallèles de blocs de pierres, cette voie était pavée, elle avait 10m de large et permettait d’accéder à une plate forme située à l’extrémité de la jetée et ou on pouvait amarrer les navires. Deux canaux étaient aménagés permettaient la circulation des courants et évitaient l’ensablement du port. Deux structures rectangulaires ont été aussi découvertes, elles permettent de penser qu’elles étaient utilisées comme bassins pour poissons

Les établissements thermaux

Deux établissements thermaux ont été découverts à Lamta dont un se trouve aujourd’hui dans le jardin du musée : les thermes Est

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Les thermes du musée

Les sols étaient pavés en mosaïques et les murs étaient revêtus en marbre. Cet établissement était composé d’un frigidarium,  d’un tepidarium et d’un caldarium

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Le système de chauffage des thermes

Les nécropoles romaines

Trois nécropoles ont été fouillées, elles se trouvaient à la périphérie de la ville

  • La nécropole du stade : elle contient des tombes à amphores et à cupules et un mausolée qui datent du 2ème au 4ème siècle après J.C
  • La nécropole de Dhahret Slama : on a trouvé des tombes à cupules et à amphores et un mausolée qui datent du 3ème au 5ème siècle après J.C

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  • La nécropole Oued es Souk : on a trouvé un mausolée avec une mosaïque géométrique et des tombes à amphores qui datent du troisième siècle après J.C

L’inhumation est très fréquente, l’incinération est rare

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On a trouvé aussi des tombes à tuiles et à briques posées en chevrons

Le mobilier funéraire : dans les nécropoles on a trouvé plusieurs objets qui constituent du mobilier funéraire pour le défunt : des lampes, de la poterie ordinaire, des anneaux en bronze, une épingle en os, une épingle en bronze, une fiole en verre, un masque trouvé à la nécropole de Dhahret Slama  …

Des bases honorifiques de Lamta

Épitaphe funéraire en marbre

"Au dieux Manes, Anthia, affranchie de Metras, procurateur d'Auguste, a vécu 32 ans. Elle repose ici. Onesimus affranchi de Metras, procurateur d'Auguste, a fait construire (ceci) a son épouse très pieuse

Lamta, milieu du 2ème siècle, début du 3ème siècle après J.C

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Empereur romain vêtu d'un cuirasse 

Lamta, 2ème siècle après J.C

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Le christianisme à Lamta

Le christianisme est mentionné à Lamta au 3ème siècle après J.C. Des évêques représentant  Leptis dans des conciles en 256, 411, 418, 419, 484, 525, 646

Une inscription funéraire chrétienne sur un élément architectural réemployé provenant d’un édifice monumental romain

La période vandale

Au 5ème et au 6ème siècle après J.C : plusieurs édifices ont été abandonnés ou utilisés pour d’autres fins

Les thermes du musée ont été reconvertis en un atelier d’amphores

La période byzantine

Pendant l’époque byzantine (6-7ème siècle), Leptis était probablement la résidence du gouverneur militaire byzantin de la Byzacène. Trois basiliques chrétiennes ont été découvertes dans la région comme la basilique de Soukrine

La basilique de Soukrine

Cet édifice a été découvert en 1970 à l’Est de Sayada. Elle était utilisée apparemment aux 6ème et au 7ème siècle après J.C

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Le plan de la basilique

La basilique était divisée en trois parties : une nef centrale et deux latérales ou bas-côtés. Une rangée de 6 colonnes séparait chaque bas-côté de la nef centrale. Le plan de la basilique  était symétrique par rapport à une abside occupant l’extrémité ouest de l’édifice

A chaque coté de l’abside se trouve une sacristie, petite salle qui servait pour le rangement d’objets sacrés ou rituels

Derrière l’abside se trouve un vestibule qui menait au baptistère

Panneau de mosaïque de la nef latérale gauche de la basilique de Soukrine

On lit : Peregrinius de dona dei botum (=votum) solvit

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Panneau de mosaïque de la nef latérale droite de la basilique de Soukrine

On lit : bixit (in) pace annos undeci(ma) (a vécu (en) paix onze ans)

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Mosaïque d’abside de la basilique de Soukrine

On lit : Pascasius pre(sbiter)vixit in pace an(n)is LXV

Pascasius, pretre a vecu en paix 65ans, suivie d’une petite croix et

Ianuarius pre(s)b(yter) vixit in pace an(n)in LXXXV

Ianuarius,pretre a vecu en paix 85 ans

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Mosaïques funéraires qui se trouvaient  en face de l’abside de la basilique de Soukrine

L’inscription gauche est à moitié conservée. Elle cite trois défunts. L’inscription à droite énonce :

Peregrinus presbiter fidelis in (pa)ce bi(xit) ann(os)III K(alendas) ND

Peregrinus, pretre fidèle a vecu en paix années III des kalendes ND

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Mosaïques funéraires provenant de la sacristie à gauche de l’abside de la basilique de Soukrine

Gauche : Stefanus bixit in pac(e) annis IL : Stefanus a vécu en paix 49 ans

Centre : Rufinus fidelis vixit in pace an(n)is XX?: Rufinus, fidèle a vécu en paix 20ans?

Droite : Cresconius in pace vixit annis plus minus XXXVIII : Cresconius a vécu en paix plus ou moins 38 ans

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Les quatre panneaux du baptistère 

Deux brebis de part et d'autre d'une croix

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Un cerf en face d'une croix

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Un agneau

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Un canthare d'ou sortent des grappes de raisin

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Sources

  • Musée de Lamta

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