La mosquée de Mohamed Bey (mosquée Sidi Mehrez)
Par Zaher Kammoun
La mosquée Sidi Mehrez est l’œuvre majeure de Mohamed Bey, sa construction a commencé en 1692/1693. Cette mosquée Hanéfite se situe dans le quartier de Beb Souika en face du mausolée de Sidi Mehrez d’où son nom). Après la mort de Mohammed Bey en 1696, les travaux de construction continuèrent sous le règne de son successeur Romdhan Bey. Malheureusement, après le conflit entre ce Bey et son neveu Mourad, les travaux dans cette mosquée ont cessé : le minaret dont la base a été élevée dans le nord de ce monument ne sera jamais fini, aussi les deux mausolées prévus (un à l’Est de la cour conçu pour recevoir la dépouille du fondateur et sa descendance majeure et masculine et un autre au Nord de la cour conçu pour accueillir les femmes et les mineurs) n’ont été jamais construits.
Architecture:
Avec sa coupole monumentale, la mosquée de Mohamed Bey domine tout le quartier de Beb Souika. Cette mosquée se trouve en face du mausolée de Sidi Mehrez, on y accède par 3 portes pour atteindre une cour qui enveloppe la salle de prière des trois cotés.
La salle de prière est entourée des trois cotés par des portiques profondes de 4 mètres portées par des colonnes (26 taillées dans le marbre) qui soutiennent des arcs en plein cintre outrepassés portant un plafond horizontal à solives apparentes. Les chapiteaux portés par les colonnes sont sculptés dans le calcaire clair ou dans le marbre, ils sont essentiellement de style néo-gothique mais il y a un chapiteau néo-composite et trois chapiteaux hafsides.
Un mihrab extérieur se trouve dans le sahn latéral, il est large de 1,5m, profond de 1,1m et haut de 2,7m. Sa niche est surmontée d’une demi coupole inscrite dans un arc souligné par un décor à rinceau, emprunté au répertoire de la Renaissance, avec au sommet un acrotère surmonté d’un croissant. La demi-coupole est agrémentée d’un motif en coquille, alors que la partie inférieure de la niche a reçu des défoncements séparés par des colonnettes jumelées qui se terminent par des arceaux en plein cintre. Tout l’ensemble est fait dans le plâtre.
La salle de prière est de plan carré, elle mesure 28m de coté (32,6m pour des mesures extérieures). Cette salle se distingue par plusieurs coupoles : une grande coupole centrale, épaulée de demi-coupoles et encadrée de 4 coupoles occupant les angles de l’édifice.
La coupole centrale est de 15,8m de diamètre et de 29m de hauteur sous la clef. La calotte s’appuie sur un tambour cylindrique percé de 6 fenêtres.
Le passage de plan carré au plan circulaire se fait par des pendentifs comme la plupart des coupoles d’Istanbul. La surface sphérique des ces quatre pendentifs sont décorés par des cyprès stylisés réalisées dans le plâtre et par une inscription consignée dans un cartouche portant un texte coranique (inscription en blanc sur un fond noir avec une cursive orientale). Les pendentifs à Istanbul portent les noms d’Allah, le prophète et les quatre califes et les petits- fils du prophète (Al Hassan et Al Hussain)
Les murs de la salle de prière et les quatre piliers sont ornés par un plaquage de marbre et des panneaux de faïence importés d’Iznik. Ces panneaux sont formés de carreaux juxtaposés de 25cm ou de 28cm de coté, ils portent plusieurs motifs comme les motifs floraux qui présentent une grande feuille saz, des branches chargées de fleurs d’amandiers, des tulipes, des œillets, des fleurs de lotus, des rosaces stylisées des rosettes, des fleurons…
Les couleurs utilisées dans ces céramiques orientales sont : le blanc pour former l’émail du fond (il est teinté légèrement en bleu), le noir pour les contours des motifs, le bleu de cobalt, le bleu turquoise, le rouge pourpre, le rouge écarlate, le rouge brique, le vert clair, le vert pistache pour les motifs.
Mais aussi on trouve des panneaux de céramique de fabrication locale (de type hispano-maghrébin), ces panneaux sont de forme rectangulaire de 2,5m de longueur et de 1,8m de largeur. Les motifs utilisés dans ces panneaux sont des motifs géométriques avec des couleurs jaune ocre, bleu de cobalt, vert émeraude…
Le plâtre sculpté de la mosquée Mohamed Bey
Le mihrab se présente sous la forme d’une niche demi-circulaire. Il est profond 1,8m, large de 1,8m et haut de 3,5m. Il est couvert d’une voûte en cul-de-four s’ouvrant sur un arc en plein cintre outrepassé et à claveaux alternés en noir et blanc. L’arc repose sur deux colonnettes taillées dans le marbre noir couronnées de chapiteaux de type hispano-maghrébin.
Le minbar est en maçonnerie, il est haut de 4,3m et percé de trois baies. Les deux cotés de cette chaire sont ornés par une marqueterie de marbre et un plaquage de pierre polychrome. Plusieurs formes composent le plaquage : des carrés, des rectangles, des triangles, des polygones, des combinaisons en base d’étoiles, un décor floral polychrome formé des rinceaux portant des palmettes, des fleurs comme la rose et la tulipe.
Au pied du minbar, se dressent deux colonnes en marbre et en chapiteaux hispano-maghrébin portant un arc en plein cintre. Il est surmonté d’un panneau portant une cursive ottomane qui daterait l’achèvement des travaux dans cette mosquée :
بسم الله الرحمان الرحيم
لا اله الا الله محمد رسول الله
سنة 1116
Le mahfil est une tribune caractéristique pour les mosquées Hanéfite. C’est un ouvrage en bois tourné et sculpté, seuls les angles sont consolidés par des colonnes de marbre couronnés de chapiteaux de style hispano-maghrébin. De plan rectangulaire de 2,55m sur 3,1m, le mahfil constitue une plate forme protégée par une balustrade de 57cm. Il est formé d’une salle de 3m de hauteur. Les Khawajat s’installaient dans le mahfil pour les lectures coraniques et pour psalmodier certaines prières en langue turque.
On trouve aussi une chaire graduée en bois pourvue d’un coffret servant à ranger le Coran. Cette chaire s’appelle la Khatma. Elle est haute de 1,25m et son coffret possède les dimensions suivantes : 56cm X 52cm X 30cm. Tout l’ensemble est orné par des panneaux de bois ciselé.
Extérieurement, les coupoles sont de couleur blanche, la coupole centrale domine toute la composition, elle repose sur une multitude de tambours carrés, polygonaux et cylindriques. Les trois tambours inférieurs viennent s’amortir contre les 4 demi-coupoles de butée. Seul le tambour cylindrique sur lequel repose directement le grand dôme les surplombe. Les petites coupoles occupant les angles de la salle de prière son constituées d’un tambour cylindrique haut de 3m portant un dôme hémisphérique surbaissé.
Sources:
- Tunis ville Ottomane, trois siècles d'urbanisme et d'architecture d'Ahemed Saadaoui;
- L’hégémonie ottomane au Maghreb, entre l’application du modèle de Sinan de Turquie et les innovations Locales de Barkani Abdelaziz;
- Tunis sous les ottomans : art et architecture;
- الحلل السندسية في الاخبار التونسية للوزير السراج
- Etude architecturale de la mosquée de Mohamed bey el-Mouradi à Tunis de Chiraz Mosbah