La tourba des beys
Par Zaher Kammoun
La Tourba des beys est l’un des principaux monuments de la médina de Tunis, il constitue le plus grand mausolée princier laissé par les husseinites en Tunisie. Il fut construit par Ali Bey (1759-1782) à une date indéterminée et lui affecta des biens de hubus comme des oliveraies, des vergers, un café, un souk-foundouk, des boutiques…
Ce monument primitif, a été agrandi au cours du temps et la dernière date d’agrandissement a été 1938. La Tourba du Bey a reçu les sépultures des souverains husseinites, d’autres membres de cette famille, des serviteurs et des proches jusqu’à 1942. L’édifice couvre presque 1400m²
Architecture
Le mausolée est composé de plusieurs parties qui s’organisent autour de deux patios. Il est composé de 8 salles couvertes de coupoles de différentes formes et dimensions
De l’extérieur le monument est formé de murs très élevés construits en pierres taillées de grès coquiller jaunâtre et encadrés par des pilastres et des entablements de roche calcaire. Ces murs sont percés par des fenêtres et couronnés par une corniche en tuiles vertes.
Une seule entrée permet d’accéder au monument pour atteindre une driba qui communique avec un vestibule par un deuxième portail. La driba est couverte de carreaux de faïence d’origine européenne
En passant par le vestibule et en franchissant un troisième portail, on accède au premier patio à portique. Le patio est de forme carrée et entouré de galeries dont les arcades sont portées par des colonnes sculptées dans le marbre de Carrare et couronnées de chapiteaux néo-doriques. Le sol est pavé de marbre. Il renferme 12 tombes de ministres et de serviteurs des husseinites comme le ministre Sulayman Kahia (mort en décembre 1838) et les mamlouks Khayr al Din Kahiya (mort en janvier 1856) et Husayn Kahia (mort en 1860/1861). On trouve aussi une tombe d’une fille d’un notable tunisois d’origine turque Mohamed Ibn Khuja.
Le patio mène directement à la salle des souverains qui s’ouvre sous son portique ouest. Cette salle est formée d’une coupole centrale bulbeuse qui est soutenue sur les cotés par des demi-coupoles et des les angles par des coupolettes. La salle est de forme carrée de 15 m de côté. Les murs sont couverts jusqu’à 2.5m par un lambris de marqueterie de marbre polychrome. La partie la plus haute ainsi que les arcs et plusieurs autres parties sont revêtus en plâtre sculpté. Cette salle est réservée aux souverains, elle abrite 13 tombes de beys qui ont régné depuis la fondation de la tourba jusqu’à 1942. Les tombes sont en marbre blanc et ornées avec des motifs floraux turquisant et italianisants. La salle renferme aussi 3 tombes de princes ( Al Maamun mort en 1785, Ismail mort en 1815 et Al Said mort en 1858) et trois petites tombes anonymes d’enfants. On trouve aussi dans la salle la tombe d’un mausolée : Sidi Hussain Chérif en bois sculpté.
Les tombes des hommes sont distinguées des femmes grâce à la présence des cippes couronnées soit d'un turban soit d'une chéchia. Les turbans sont antérieurs aux chéchias. Le sultan Mahmud II imposa aux beys et aux officiers supérieurs le port de la chéchia à gland ou le fez à la place du turban suite à la réforme du 3 Mai 1829
En face de cette salle, de l’autre coté du patio se trouve une grande salle importante : celle des princesses. C’est une salle de forme carrée couverte par une coupole. On y accède par une porte à double encadrement : le premier en marbre d’Italie et le deuxième en carreaux de faïence. La partie inférieure de la salle est revêtue aussi de carreaux de faïence de plusieurs origines : de l’Europe et de Qallaline. La partie haute des murs est couverte de stuc sculpté. La salle renferme 16 tombes de princesses
Le premier patio et les deux salles constituent le noyau primitif de la tourba des beys. Les autres extensions sont faites après du coté sud
Une troisième salle renferme des sépultures de femmes de cour comme la princesse Fatima, une descendante de Othmen Dey. Cette salle est jumelle à la salle des princesses et elles sont complètement ouvertes l’une sur l’autre. De forme carrée de 6 m de côté, cette salle porte un dôme bulbeux couverte en extérieur par des tuiles vertes. A l’intérieur, les murs sont couverts de carreaux de faïence tunisois et italiens. Les chapiteaux de cette salle sont de type turc
La quatrième salle, date du règne d’Ahmed Bey (1837-1855), elle renferme 21 sépultures de princesses. De forme carrée de 5 m de côté, cette salle porte une coupole sur pendentifs. Dans cette salle est enterrée Lalla Jannat, la mère d’Ahmed Bey
La salle 5 accueille 19 tombes de femmes, la plus ancienne est celle de la princesses Zalikha la femme d’Ali Pacha Bey (1882-1902). Cette salle est couverte d’une grande coupole ovoïde
Les trois dernières salles s’ordonnent autour du deuxième patio, on y accède à partir du vestibule par une porte qui se trouve à la droite de l’entrée. Le patio possède une forme rectangulaire de 9.4 de longueur et 7.5m de largeur. Il est complètement en ciel ouvert, la partie inférieure est couverte de carreaux de faïence. Le sol est couvert de dalles de marbre et reçoit les tombes de quelques collaborateurs des beys comme Mustafa Khaznadar (mort rn 1878) et Ismail Kahia (mort en 1864)
La salle 6, ouvre sur le coté oriental du patio, elle a une forme rectangulaire (13mX5m). Elle est couverte d’une coupole ovoïdale. Derrière une grille en bois, se trouve la sépulture de Mohamed el Hadi Bey mort en 1906. Dans la même salle se trouvent 18 tombes de princesses de sa famille
La salle 7 est très allongée (18mX5m), elle abrite les tombes de 24 princes et des 4 premiers ministres : Mohamed Al Aziz Abu Attur (mort en 1907), Mohamed Jalluli (mort en 1908), Youssef Jaayyat (mort en 1915) et Mustafa Dangazli (mort en 1926)
La salle 8, est accessible à partir du patio de sa partie ouest, elle est couverte d’un grand dôme bulbeux. La salle est de forme presque carrée (8mX7.5m), elle abrite 15 tombes de princesses, la plus ancienne est celle de khadija, fille de Mohamed Ben Ismail décédée en 1861. On trouve dans cette salle aussi des civières destinées à transporter les dépouilles au mausolée pour l’inhumation
Sources
- Tunis, ville ottomane, trois siècles d’urbanisme et d’architecture, Ahmed Saadaoui
- Tunis, architecture et art funéraires, sépultures des deys et des beys de Tunis de la période ottomane, Ahmed Saadaoui