La roche au service de l’histoire

Par Zaher Kammoun

La Tunisie était depuis longtemps un carrefour de civilisations. Les berbères, les puniques, les romains,  les byzantins, les arabes… avaient leurs traces ici. Des dizaines de milliers de sites archéologiques sont parsemés partout en Tunisie. Tous ces sites ne peuvent pas être crées sans la présence de la roche. Les industries aussi étaient en relation directe avec les roches et les minéraux. Tous ces produits étaient exploités sur place ou importés d’autres pays voisins de la Tunisie

El Jem

El Jem

Depuis la préhistoire l’Homme cherchait des solutions pour faciliter sa vie. Ces solutions proviennent surtout de son environnement. Il utilisait la pierre pour la chasse, le rasage, la défense, pour créer un refuge et aussi pour allumer le feu. Avec le temps il a pu construire de grandes civilisations avec les roches.

La roche à travers l’histoire de la Tunisie

La préhistoire

Pendant cette période l’Homme utilisait de la pierre trouvée aux environs. Il utilisait ensuite des techniques pour la tailler et la polir. La présence des civilisations préhistoriques  est clairement attestée dans plusieurs régions de la Tunisie. Les plus anciens vestiges préhistoriques trouvés en Tunisie proviennent d’Ain Brimba à Kébili, on a trouvé des restes de la faune tropicale (des éléphants géants, des tigres à dents de sabre, des hippopotames…) et des galets taillés. On a date ce site de 2 millions d’années avant J.C.

Parlons maintenant des divisions de la préhistoire en Tunisie :

  • L’Acheuléen : On a trouvé en Tunisie des traces de l’Acheuléen qui correspond au  Paléolithique inférieur et à l’industrie lithique (300 000 à 100 000 av. J.-C.) à El Mekta et Redeyef à Gafsa et à Sidi Zin au Kef : des éclats, des galets, des bifaces, des pointes, des hachereaux…
  • Le Moustérien : il correspond au Paléolithique moyen (100 000 à 35 000 av. J.-C.). Il est caractérisé par l'abondance des pointes et racloirs. Parmi les sites découverts en Tunisie, Aïn Metherchem près de Kasserine, Sidi Mansour à Gafsa, Bizerte, Oued el Akarit, et el Guettar avec son fameux Hermaïon. Parmi les objets trouvés, on cite les racloirs et les grattoirs…
Musée Gafsa متحف قفصة

L’ Hermaïon d’el Guettar

  • L’Atérien : correspond à la période entre la fin du Paléolithique moyen et le début du Paléolithique supérieur (35 000 à 25 000 av. J.-C.).  Il est caractérisé par des pointes, des racloirs taillés sur une seule face et surtout par des outils à pédoncules ayant servi de manches. Maintenant on parle de l’espèce Homo sapiens. Parmi les sites découverts en Tunisie sont : Bizerte, cap Bon, Hergla, Monastir, Gabès, Gafsa et Redeyef
  • L’Ibéromaurusien : correspond à une période de transition entre le Paléolithique supérieur et l'Épipaléolithique  (18 000 à 8 000 av. J.-C.). On le trouve surtout sur les cotes comme Tabarka, Ouechteta, Nefza au Nord de la Tunisie et à Oued Akarit au sud, on a trouvé des lamelles en silex, des grattoirs, des burins, et des microlithes…
Musée Sfax متحف صفاقس

Reconstitution d'une portion du gisement ibéromaurusien d'Oued Akarit (musée de Sfax)

  • Le Capsien: La civilisation capsienne (9 000 à 5 000 av. J.-C.) est spécifique du Maghreb et a été subdivisée en deux faciès : le Capsien typique et le Capsien supérieur :

*Le Capsien typique se limite dans la région de Gafsa en Tunisie et Tébessa en Algérie

*Le Capsien supérieur est plus étendu et atteint l’Algérie centrale et le Lybie

  • Le Néolithique : Il correspond à une période de  (5 000 à 2 000 av. J.-C.), et se caractérise par l’apparition de l’agriculture, la domestication des animaux et la naissance de la vie sociale. Il et formé de deux faciès :
  • Le Néolithique méditerranéen qui se trouve sur les cotes à Nefza, la sebkha Halk El Menzel près de Hergla et dans la région de Tell à Kef El Ageb près de Jendouba, à Kef Hamada et Kef El Guéria près de Makthar. Cette période est riche d'outillage en os et en poterie modelée et décorée.
  • Le Néolithique Capsien : trouvé dans la région de Redeyef, près de Métlaoui, Oum Laarayes, à Gafsa et sebkha El Melah près de Zarzis. On a découvert des pointes de flèches, des haches polies, des meules et des molettes utilisés pour le broyage, de la poterie modelée et décorée substituant les œufs d'autruches.

Des peintures rupestres sont partout en Tunisie, elles témoignent des scènes de la vie quotidienne. Les sites les plus importants sont Djebel Oueslet au centre et Ghomrassène au Sud. Ces peintures étaient gravées dans des calcaires de l’Eocène inférieur pour le premier site au des calcaires dolomitiques du Jurassique pour le second

La protohistoire

Elle correspond à la période 2 000 à 1 000 av. J.-C. cette période est connue en Tunisie par la présence de monuments funéraires comme les houanets, les dolmens mégalithiques, les bazinas et les peintures rupestres

  • Les haouanets

Les haouanets sont des chambres sépulcrales antiques creusées dans la roche. Ils ont une forme presque cubique. A l’intérieur, on peut trouver des fosses ou des banquettes

En Tunisie, on a découvert les haouanets à Sidi Mohamed Latrech et Djebel El Mangoub dans les environs de Bir Bouregba, El Harouri dans les environs de Kélibia, à Chaouach près de Medjez el-Bab et l'ile el Ouestania au large de Monastir.

  • Les dolmens

Un dolmen est une construction mégalithique constituée d'une ou plusieurs grosses dalles de couverture (tables) posées sur des pierres verticales qui lui servent de pieds. En Tunisie, on a trouvé les dolmens à Bulla Regia, à Djebel Goraa près de Téboursouk, à Dougga, à Makthar, à Ellès et dans plusieurs autres sites

Notons aussi que l’Homme pendant cette période utilisait les couches géologiques pour construire des refuges et des habitats. Grace à l’alternance des couches, il a pu creuser dans la couche tendre et utiliser la couche dure comme une dalle ou un plafond pour son nouvel habitat. On peut aujourd’hui voir ça au sud de la Tunisie : Chénini, Douiret, Tamazret, Toujane, Matmata et plus au nord comme à Takrouna

Pendant cette période, l’Homme utilisait de l’argile pour faire de la poterie. On peut citer la poterie de Sejnene au Nord, la poterie de Kessra au centre et la poterie de Djerba au Sud.

La période punique

Les Phéniciens apparaissaient en Afrique du Nord au premier tiers du 1er millénaire avant J.C, ils fondaient plusieurs comptoirs commerciaux en Tunisie : ils fondaient Utique en 1101 avant J.C,  Carthage en 814 avant J.C et d’autres villes et colonies comme Hyppo Darrhytus (Bizerte) , Tabarka, Hadrim (Sousse), Leptis Minor (Lamta), Thapsus…

Quartier de Byrsa Carthage حي بيرصة قرطاج

Le quartier de Byrsa

Carthage devenait la capitale punique de la Tunisie. Elle était la ville la plus développée malgré la rivalité entre cette ville et Athènes puis les problèmes avec Rome

Les carthaginois héritaient de leurs ancêtres, les phéniciens, la navigation et le commerce. Ils exportaient les produits de la Tunisie comme l’huile d’olive, le vin, les fruits…. et importaient de plusieurs villes comme l’Egypte, l’Assyrie, les iles Britanniques, l’Espagne et l’Afrique, l’ivoire et les métaux

Grace à ce développement, des villes comme Carthage s’épanouissaient et plusieurs vestiges témoignent aujourd’hui de cette évolution. Les puniques utilisaient des pierres du cordon littoral d’El Haouaria au Cap Bon pour construire Carthage qui se trouve à 60km de celle ci. Des carrières souterraines ou des exploitations à l’air libre étaient installées pour extraire du grès depuis le 7ème siècle avant J.C. Du calcaire jaune était aussi extrait de cette carrière

Les grottes d’ el Haouaria مغارات الهوارية

Les grottes d’Haouaria

Kerkouane, une autre ville punique du Cap Bon inscrite dans la liste du patrimoine mondial UNESCO, était entourée par une muraille construite par du grès coquiller du quaternaire. Même les maisons de cette cité étaient construites de ce grès coquiller. Les puniques utilisaient aussi du marbre blanc, de l’argile et du gypse pour faire le stuc

Kerkouane Kerkouene كركوان

Kerkouane

La période romaine, vandale et byzantine

Après la chute de Carthage, la Tunisie devenait romaine. Les empereurs utilisaient de la roche pour construire de grands édifices témoignant de la force de l’empire romain. Cette roche était trouvée en Tunisie ou ailleurs. Les carrières d’El Haouaria étaient exploitées aussi pendant la période romaine. On peut trouver aujourd’hui des matériaux de cette carrière dans les thermes d’Antonin  de Carthage

Les thermes d'Antonin حمامات انطونينوس

Les thermes d’Antonin  de Carthage

Pendant cette époque plusieurs carrières de marbres étaient exploitées comme les carrières de Chemtou au Nord de la Tunisie. Pline l’ancien déclare en 77 avant J.C que « la Numidie ne produisait rien de remarquable si, ce n’est le marbre et les fauves ». Les carrières étaient exploitées à ciel ouvert. Elles étaient en forme de gradins ou en forme de muraille inclinée

Ces matériaux étaient utilisés pour bâtir les théâtres, les amphithéâtres, les maisons, les arcs de triomphe... qui étaient les fiertés des villes de l’Afrique romaine. Les colonnes, les chapiteaux et même les tableaux de mosaïque étaient faites en calcaire et en marbre. La Tunisie exportait des matériaux de construction à l’étranger. On trouve par exemple des marbres dans l’église de Sainte Sophie à Istanbul, dans des monuments à Rome qui abritait aussi avec Naples des monuments contenant des lumachelles de Thuburbo Majus

Le marbre de Chemtou (de Numidie) connu sous le nom de Giallo Antico était exporté à Rome, Athènes, Smyrne, Arles, Orange et Trêve. Mais la Tunisie importait des matériaux de construction comme le marbre de l’Italie et la granite de l’Egypte

Ceci continuait après la chute de la civilisation romaine avec les deux civilisations qui succèdent : les vandales et les byzantins

La Tunisie, le pays de mosaïques

La Tunisie est connue par ses célèbres tableaux de mosaïques exposés aujourd’hui aux musées surtout le musée du Bardo. Ces tableaux ornaient avant les maisons luxueuses, les thermes, les temples, les églises... Pour avoir une gamme de plusieurs couleurs naturelles, différents matériaux étaient utilisés : plusieurs couleurs variées des couches géologiques d’âge Jurassique de la dorsale Tunisienne, des marbres jaunes, roses et blancs de Chemtou et de l’Italie, des calcaires blancs du Crétacé…

متحف باردو Musée Bardo

Un pavement de mosaïque du musée du Bardo

La période arabo-musulmane

Suite à la défaite de byzantins au 7ème  siècle, la Tunisie devenait musulmane. Les arabes apportaient de nouvelles techniques de construction : les minarets, les coupoles, les arcades... Les andalous maîtrisaient les techniques de fabrication de céramique et du plâtre ciselé. Outre que le calcaire, le grès, le marbre, les arabes utilisaient le gypse, l’argile et la chaux produite de la calcination des carbonates

Pendant cette période, ils exploitaient les anciens sites archéologiques comme carrières pour construire les nouvelles villes arabes. Dans la médina de Sfax on a utilisé des matériaux de Thyna, d’Acholla et de Younga. Parait aussi au Kairouan et à Tunis, où on trouve des colonnes et des chapiteaux de sites antiques comme Carthage

Grande mosquée Sfax

Des chapiteaux antiques de la grande mosquée de Sfax

Les pierres de taille à travers l’histoire

Durant toutes les civilisations, l’Homme utilisait des pierres taillées sous forme de blocs pour construire des édifices et des monuments et pour bâtir des villes. Ces pierres de taille varient selon les couches géologiques :

  • Le grès : est une roche sédimentaire détritique issue de l’agrégation et de la cimentation des grains de sable. On utilisait avant le grès coquiller et le grès carbonaté

*Le grès coquiller : c’est un grès riche en coquilles et en matériaux fossilisés formé dans des dunes côtières. Il était exploité à El Haouaria pour construire la ville de Carthage et la ville de Kerkouane

*Le grès carbonaté : ce grès est riche en carbonates, ces derniers peuvent être le liant qui lie les grains de sable. Ce type de grès est trouvé dans le codon littoral d’âge Tyrrhénien. Il servait pour construire l’amphithéâtre d’el Jem, des remparts, des mosquées et des fortifications arabo-musulmanes à Sousse, Mahdia et en partie de la grande mosquée de Kairouan

  • Les carbonates : ils sont des roches sédimentaires résultant de la compaction de sédiments carbonatés et dont la composition en carbonates est d'au moins 50 % :

*Les calcaires d’âge Moi-pliocène de Dar Chaabane Fehri et de Téboulba étaient utilisés pour orner les mosquées et les maisons de la période arabo-musulmane

*Les calcaires marbrières éocènes étaient utilisées pour bâtir les grandes villes romaines comme Dougga et Althiburos et la grande mosquée de Kairouan

*Les calcaires marbriers d’âge Crétacé étaient utilisés pour construire les villes des hautes steppes comme Cilium, Thala, Haidra et Sbietla

Capitole Sbeitla

Capitole Sbeitla

*Les carbonates marbriers d’âge Jurassique de Chemtou et des montagnes de la dorsale Tunisienne étaient utilisés pour orner quelques villes comme Carthage et Bulla Regia

*Les marbres importés : le blanc de l’Italie et les granites de l’Egypte étaient utilisaient pour orner les monuments romains et islamiques

Les thermes d'Antonin حمامات انطونينوس

Une colonne de granit aux thermes d'Antonin

Nature et âge géologique des matériaux de construction de quelques sites et monuments de la Tunisie (Mohamed Essghaier Gaied et Mohamed Ouaja, 2000)

Site ou monument Epoque historique Nature de matériaux Age Provenance
Carthage Punique et romaine Grès coquiller IV El Haouaria
Kerkouane Punique Grès coquiller IV Kélibia et El Haouaria
Amphithéâtre d’el Jem Romaine Grès carbonaté coquiller Tyrrhénien Cordon littoral de Ras Salakta et Réjiche
Aqueduc de Zaghouan Romaine Grès coquiller

Grès à dragées de quartz

Calcaire blanc

IV

Oligocène

Crétacé supérieur

El Haouaria

El Khélidia

Oudhna

Dougga, Mdeina, Bulla Regia Romaine Calcaire marbrier Eocène inférieur Exploitation sur place
Haidra, Thala, Cilium, Sbeitla Romaine et byzantine Calcaire et dolomie Crétacé Exploitation sur place
Médina de Tunis Arabo musulmane Grès coquiller

Pierres de taille

IV

Mio-Pliocène

Cordon littoral du Cap Bon

Dar Chaabane

Médinas de Sousse, Monastir et Mahdia Arabo musulmane Grès carbonaté

 

Calcaire et dolcrete

Tyrrhénien

 

Villafranchien

Cordon littoral de Khnis, Lamta et Régiche

Exploitation sur place des croutes

Médina de Kairouan Arabo musulmane Grès carbonaté

Briques pleines

Calcaires et dolomies

Tyrrhénien

IV

Crétacé

Cordon de Réjiche

Sols de sebkhas

Affleurements d’el Baten

Les carrières antiques de Thélepte Romaine Calcaires blancs Sénonien tardif

 

Exploitation sur place

 

Les mines antiques en Tunisie

L’activité minière en Tunisie pendant l’antiquité a été prouvée en Tunisie non seulement par le repérage de plusieurs mines anciennes mais par les trouvailles d’objets métalliques en plomb, en fer et en cuivre

Dans les travaux de Berthon, Gsell et Sainfeld, 25 gisements antiques de plomb, 6 gisements de fer et 2 gisements de cuivre ont été signalés. Ces gisements étaient surtout au Nord Ouest de la Tunisie. Cette répartition est presque la même que l’état actuel des gîtes métalliques de la Tunisie:

  • Au nord, dans le domaine de l’Atlas Tellien se trouvent des gisements de plomb, zinc, fer, mercure, cuivre… On peut citer les mines d’Oued Maaden et Djebel Hallouf
  • Dans la zone de l’Atlas tunisien, on trouve le plomb, le zinc, le fer, le cuivre, le baryum dans plusieurs zones comme Nebeur, Sakiet Sidi Youssef, Djebba, Kasserine , Zaghouan, Djebel Slata, Jérissa, Chaambi

Les exploitations antiques étaient diverses :

  • Du grattage et des fouilles comme à Nebeur et au Djebel Hadida
  • Des excavations
  • Des galeries soutenues de bois comme dans les mines de Djebel Hallouf
  • Des galeries spirales comme les mines de plomb de Djebel Slata et de Djebel Ressas
Djebel Ressas جبل الرصاص

Djebel Ressas

Djebel Slata جبل السلاطة

Djebel Slata

Plusieurs vestiges de traitement de minerais ont été trouvés comme des laveries, des fonderies, des scories à Djebel Hallouf, Djebel Bou Jabeur et Djebel Ressas. Un four à fondre de galène a été trouvé dans la maison de la chasse à Bulla Regia

Bulla Regia بلاريجيا

Le rez-de-chaussée de la maison de la chasse à Bulla Regia

Les carrières antiques de l’Ichkeul

Djebel Ichkeul est une montagne qui se trouve au Nord de la Tunisie et plus précisément dans le gouvernorat de Bizerte. Aujourd’hui, elle fait partie du parc national de l’Ichkeul crée en 1980 et inscrit dans la liste du patrimoine mondial UNESCO en 1979

Le parc national de l'Ichkeul الحديقة الوطنية باشكل

Djebel Ichkeul

Le Djebel Ichkeul, constitué de roches calcaires dolomitiques, date du Trias et du Jurassique. Il se dresse isolé au milieu d'une plaine d'alluvions provenant du quaternaire.

ICHKEUL اشكل

La carrière antique d'Ichkeul

Dans le passé, du marbre était exploité  dans cette région, heureusement  que le domaine de l’Ichkeul est devenu parc national donc toute activité extractive a été arrêtée.

Les carrières antiques de Chemtou

La cité antique de Chemtou est située au Nord Ouest de la Tunisie à 23 km du gouvernorat de Jendouba. Plusieurs vestiges de l’époque numide et romaine ont été trouvés comme le théâtre, le forum, les thermes, l’aqueduc…

Musée Chemtou متحف شمتو

La cité de Chemtou

La Montagne de Chemtou est une crête de deux kilomètres de long. Il s’agit d’un massif de calcaire accidenté, sa surface possède une couleur rouge grâce à la présence de l’oxyde de fer. Depuis l’antiquité, cette montagne a été exploitée comme carrière de marbre jaune par les romains et dès le règne de Micipsa

Chemtou شمتو

Chemtou

Les marbres Chemtou correspondent à des marbres et à des dolomies recristallisés roses, jaunes et grises d’âge jurassique (plus précisément du Lias inférieur (Hettangien-Sinémurien)). Cette couche est limitée à l’inférieur par des dolomies du Trias et la limite supérieure est constituée d’éboulis. La couche exploitable est formée par une unité inférieure de dolomies, de calcaires dolomitiques et de calcaires massifs, qui sont faillés, métamorphisés et minéralisés en Fe t Cu. Une unité supérieure formée par des dolomies caverneuses grises reposant sur des calcaires jaunes bien lités.

Musée Chemtou متحف شمتو

Le marbre de Chemtou

Une large gamme de marbre était produite : le jaune, le rose, le rouge, le marbre veiné mais le marbre le plus célèbre était le Giallo Antico. Un édit de de Dioclétien daté de la fin du 3ème siècle après J.C répertorie le Giallo Antico à la troisième place parmi 18 variétés de marbre. Les deux premières places étaient pour le porphyre rouge d’Égypte et le porphyre grec vert

Musée Chemtou متحف شمتو

Types de marbre extraits des carrières de Chemtou

Le marbre de Chemtou orne aujourd’hui le Panthéon de Rome, Hagia Sophia à Istanbul, le gymnase d'Athènes et plusieurs autres monuments du monde

La carrière de Chemtou

Elle était une propriété impériale, cet espace était entouré par un mur. Le marbre exploité était surtout exporté via les ports d’Utique et de Tabarka. Rares les édifices de Chemtou qui étaient construits de ce marbre. Friedrich Rakob estime à 250 000 m3 la quantité de marbre extraite à partir de la montagne. Plusieurs techniques ont été utilisées comme le placement de coins de fer dans des incisions ou rainures dans la roche.

Musée Chemtou متحف شمتو

Reconstitution de la carrière de Chemtou

En réalité la grande carrière de Chemtou est composée de plusieurs carrières (officinae) qui portent des noms différents: la carrière d'Agentius, la carrière de Novatus, la carrière de Caelius, la carrière royale, la carrière d'Agrippa, la carrière Certus... Les carrières possèdent plusieurs formes: des carrières en gradins, des carrières plates, des carrières en profondeur, des carrières en galerie

Le travail dans la carrière nécessitait un grand nombre de personnel qualifié et non qualifié : des tailleurs, des transporteurs, des responsables de logistique, des soldats pour la sécurité… Plusieurs ouvriers étaient des prisonniers condamnés aux travaux forcés. Avec l’apparition du christianisme, des chrétiens persécutés travaillaient ici.

Le marbre produit était acheminé vers Utique à travers Oued Medjerda par le biais de radeaux et vers Tabarka par une voie terrestre

Un camp de travail de 20000 m² était construit près des carrières. Il comprend des espaces de stockage, des habitations, des ateliers, des thermes, des sanctuaires, un espace militaire pour surveiller les ouvriers et une nécropole. Le camp était destiné à loger ouvriers (esclaves et condamnés aux travaux forcés), personnels administratifs et militaires

Lexique géologique utilisé dans l’article

Échelle des temps géologiques

  • Alluvion : est un dépôt de débris (sédiments), tels du sable, de la vase, de l'argile, des galets, du limon ou des graviers, transportés par de l'eau courante.
  • Argile : est une roche sédimentaire ou résiduelle à grains très fins contenant au moins 50 % de minéraux argileux.
  • Baryum : est l'élément chimique de numéro atomique 56, de symbole Ba.
  • Calcaire : est une roche sédimentaire composée majoritairement de carbonate de calcium CaCO3.
  • Crétacé : est une période géologique qui s’étend de ≃ 145,0 à 66,0 Ma. Elle se termine avec la disparition des dinosaures et des ammonites.
  • Diagenèse : est  l'ensemble des processus par lesquels les dépôts issus de l'érosion sont transformés en roches sédimentaires.
  • Dolomie : est une roche sédimentaire carbonatée composée d'au moins 50 % de dolomite, c'est-à-dire d'un carbonate double de calcium et de magnésium, de composition chimique CaMg(CO3)2.
  • Eocène : est une période géologique qui s’étend d'il y a 56,0 à 33,9 millions d’années. Le début de l’Éocène est marqué par l’émergence des premiers mammifères modernes, sa fin par une extinction massive, dite « Grande Coupure ».
  • Galène : est une espèce minérale composée de sulfure de plomb de formule PbS.
  • Grès : est une roche sédimentaire détritique, issue de l’agrégation et la cimentation (ou diagenèse) de grains de sable.
  • Gypse : dénommé aussi gypsite, ou pierre à plâtre, est une roche tendre saline ou une évaporite commune, composée principalement du minéral gypse
  • Grès coquiller : est un grès riche en coquilles et en matériaux fossilisés.
  • Jurassique : est une période géologique qui s’étend de - 201,3 à - 145 millions d'années.
  • Lias : appelé aussi Jurassique Inférieur, est une période géologique qui  recouvre un intervalle de temps compris entre 201,3 et 174,1 millions d'années.
  • Lumachelle : est une roche sédimentaire contenant un grand nombre d'organismes fossiles entiers ou brisés accumulés par sédimentation comme les coquilles.
  • Marbre : est une roche métamorphique dérivée du calcaire et constituée principalement de cristaux de calcite.
  • Métamorphisme : désigne l'ensemble des transformations subies par une sous l'effet de modifications des conditions de température, de pression, de la nature des fluides et, parfois, de la composition chimique de la roche.
  • Mio-Pliocène : est un qualificatif qui regroupe les deux plus anciennes époques de la période néogène : le Miocène et le Pliocène.
  • Miocène : est la première époque du Néogène et la quatrième de l'ère Cénozoïque. Précédée par l'Oligocène, elle s'étend de 23,03 ± 0,05 à 5,332 ± 0,005 millions d'années et est suivie par le Pliocène.
  • Oligocène : est une époque géologique qui s’étend de 33,9 ± 0,1 à 23,03 ± 0,05 Ma1. Elle suit l’Éocène et précède le Miocène.
  • Pliocène : est la plus récente époque géologique du Néogène. S'étendant de 5,332 ± 0,005 à 2,588 ± 0,005 millions d’années.
  • Quartz : est une espèce minérale du groupe des silicates, composé de dioxyde de silicium de formule SiO2 (silice).
  • Quaternaire : est l’ère géologique la plus récente qui s’étend de 2.58 millions d’années jusqu’à aujourd’hui.
  • Roche sédimentaire : elle provient de l'accumulation de sédiments qui se déposent le plus souvent en couches ou lits superposés, appelés strates.
  • Sénonien : est une subdivision de l'échelle des temps géologiques, qui regroupe le Coniacien, le Santonien, le Campanien et le Maastrichtien. Elle s’étend de 89,8 Ma à 66,0 Ma.
  • Tertiaire : est le nom d'une ère géologique s'étendant de - 66 Ma à - 2,58 Ma.
  • Tyrrhénien : est une période géologique du quaternaire.
  • Villafranchien : dénommé aussi Plio-Quaternaire, le Villafranchien couvre la fin du Tertiaire (Pliocène final) et le début du Quaternaire (Pléistocène initial). Il dure d'environ - 5,2 à - 1,2 / - 0,9 millions d'années.

Sources

  • La Tunisie du Centre Ouest, les Hautes Steppes, Fathi Béjaoui
  • Roches et civilisations, Mohamed Essghaier Gaied et Mohamed Ouaja, annales des mines et de la géologie n°39, 2000
  • La Tunisie du Sud, sites et monuments, Abdellatif Mrabet
  • Le musée du Bardo, Mohamed Yacoub
  • Les représentations picturales de mausolées dans les haouanets du NO de la Tunisie, Monique Longerstay
  • Les âges de la pierre en Tunisie, Docteur René Collignon
  • Atlas préhistorique de la Tunisie. 1. Tabarka
  • Atlas préhistorique de la Tunisie. 2. Bizerte
  • ATLAS PRÉHISTORIQUE DE LA TUNISIE 3 CAP BON
  • Capsien, D. Grebenart
  • Résultats de l'analyse pollinique du gisement d'El Guettar (Tunisie), Arlette Leroi-Gourhan
  • Dolmens, G. Camps
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 12 el Djem
  • Ellès, G. Camps
  • Escargotières, G. Camps
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 23 Gabès
  • Un gisement moustérien ancien (Atérien) à Kasserine (Tunisie), Paul Fitte
  • Les Haouanet de Tunisie, Et. Deyrolle
  • Haouanet, G. Camps et M. Longerstay
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 11 Kairouan
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 6 La Goulette
  • Les origines des monuments funéraires des anciens Berbères, Ernest-Théodore Hamy
  • Les signes libyques des dolmens, Ch. Letourneau
  • Recherches préhistoriques sur le littoral Nord Ouest de la Tunisie, Abderrazak Gragueb et Ali Mtimet
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 19 Maharès
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 8 Makthar
  • Recherches préhistoriques aux environs de Médenine (Tunisie), G. Pézard
  • Note sur le mobilier funéraire des Dolmens tunisiens, Et. Deyrolle
  • Monument mégalithique intermédiaire entre le Dolmen et le Hanout, Kalâa-es-Snam (Tunisie), Et. Deyrolle
  • Recherches sur le capsien, Dr E. Gobert
  • Découverte d'une nécropole berbère ancienne au Djebel Ferza (Tunisie), Louis Carton
  • La nécropole berbère d'Henchir-el-'Assel, près de Dar-bel-Ouar (Tunisie), séance du 24 avril 1896, appendice, Ernest-Théodore Hamy
  • Peinture Rupestre du Djebel-Bliji (Sud -Tunisien), Henri Roux
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 4 Souk el Arba
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 9 Sousse
  • Sur une peinture de la Tunisie septentrionale, Marcel Solignac
  • Les pièces pédonculées de l'Atérien, Jacques Tixier
  • Atlas préhistorique de la Tunisie 5 Tunis
  • Les haouanet de Khroumirie et des Mogods, Histoire et archéologie, les dossiers, n°  69
  • مسلك فجرالتاريخ,  وكالة احياء التراث و التنمية الثقافية
  • A la découverte du Cap Bon, guide historique et archéologique. Samir Aounallah et Mounir Fantar
  • Les carrières antiques d’el Haouaria, ANP
  • Le parc national d’Ichkeul, ministère de l’environnement et du développement durable, Tunisie
  • New insights into the structure of Om Ali-Thelepte basin, central Tunisia, inferred from gravity data: Hydrogeological implications, Mongi Harchi, Hakim Gabtni, Hatem El Mejri, Lassaad Dassi, Abdallah Ben Mammou

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