Les mosaïques du temps et de ses divisions en Tunisie romaine
Par Zaher Kammoun
Le thème du temps et ses divisions est très présenté dans les mosaïques romaines en Tunisie. On peut voir dans les pavements, les Saisons, les Mois, les Jours…
Ces Saisons sont présentées généralement par des femmes en buste ou en pied et rarement par des personnages masculins ou de petits génies ailés semblables à des Amours. On peut aussi les présenter par des scènes agricoles appropriées, des animaux symboliques ou des plantes caractéristiques des Saisons par exemple le rosier pour le printemps, l’épi de blé pour l’été, le rameau d’olivier pour l’hiver et la grappe de raisin pour l’automne
Les Saisons peuvent accompagner un motif central figurant une divinité comme Neptune, Apollon, Vénus, Diane, Africa, Dionysos… ou même le Génie de l’Année ou Aion (la personnification du Temps absolu)
La mosaïque de Dionysos et des quatre saisons
Bustes du dieu Dionysos et des 4 saisons. Règne de Gallien (260-280 après J.C). Dougga, maison de Dionysos et d’Ulysse. Musée du Bardo
La mosaïque des saisons de Carthage
Avant-trains d’animaux, masques et bustes des deux saisons: printemps et hiver. 3ème siècle après J.C. Maison romaine. Carthage. Musée du Bardo
La mosaïque des saisons d’Acholla
Ce pavement daté de la deuxième moitié du 2ème siècle après J.C, a été trouvé Acholla (Henchir Botria) à Sfax
Il illustre les bustes des quatre Saisons reconnaissables aux attributs végétaux dont elles sont munies
Ce pavement est exposé aujourd’hui au musée du Bardo
La mosaïque des Saisons de Lemta
Ce pavement trouvé dans une maison romaine est exposée aujourd’hui au musée de Lemta
Il illustre les quatre saisons en bustes de femme qui entourent le Génie de l’année. Il manque le Printemps et le symbole de l’été
L’été est symbolisé par les épis du blé
L’automne est symbolisé par des grappes de vigne et un panier de vigne
l’hiver est symbolisé par des branches d’olivier et un canard
Le génie de l’année symbolisé par les fruits de toute l’année comme des grenades et du blé
La mosaïque du Génie de l’Année et des quatre Saisons d’el Jem
Ce pavement daté du milieu du 2ème siècle après J.C, a été trouvé à el Jem dans la maison de procession dionysiaque
Au centre du pavement, illustré le Génie de l’Année. Tout autour on voit les bustes de femmes symbolisant les quatre saisons
Ce pavement est exposé aujourd’hui au musée d’el Jem
La mosaïque des Mois et des Saisons d’el Jem
Ce pavement daté de la première moitié du 3ème siècle après J.C (du règne de Sévère Alexandre 222-228 après J.C), a été trouvé à el Jem
Les Saisons et les Mois, sont illustrés par des scènes caractéristiques, placées dans de petits carrés insérés sur plusieurs rangées parallèles dans une trame géométrique assez dense
Les Saisons sont symbolisées par des personnages masculins en pied occupant la rangée de gauche :
- En haut, le printemps est un jeune homme en tunique verte, la tête couronnée de fleurs et porte un chevreau sur les épaules.
- L’été apparaît sous les traits d’un adolescent, vêtu d’une courte blouse jaune, serrée à la taille par une ceinture, brandissant une faucille et portant une gerbe d’épis sur son épaule.
- Un satyre en tunique rouge, muni d’un rhyton et d’un pedum (bâton pastoral à bout recourbé), la tête entourée de feuilles de vigne, personnifie l’automne.
- L’hiver est un homme qui porte une tunique sombre et un capuchon, d’une main il tient un lièvre et de l’autre, une longue tige de millet à laquelle sont attachés deux canards sauvages, symbolisant les chasses de l’hiver
A droite des Saisons, figurent les Mois :
- Le printemps groupe Mars, Avril et Mai, les romains faisaient commencer l’année par cette Saison : Mars est symbolisé par trois hommes tenant une peau de bête qu’ils semblent battre à l’aide d’une épée ou un bâton. Avril, montre en premier plan deux hommes en train d’exécuter un pas de danse en brandissant les cierges allumés et en agitant des crotales. Un édicule à fronton abrite une statue de Vénus à sa toilette. Le mois de Mai est consacré à Mercure, dont la statue est dressée, à droite du cadre sur un socle quadrangulaire. Le dieu est complètement nu, à ses pieds est posée une carapace de tortue. A gauche on voit un prêtre vetu d’une longue tunique blanche et muni d’une tablette d’encens qui s’apprête à sacrifier un chevreau sur un autel
- L’été groupe Juin, Juillet et Aout. Juin est présenté par deux hommes installés dans une boutique au plafond de laquelle sont suspendues des cruches servant à boire à un troisième, ce sont probablement des vendeurs de boissons. Juillet montre un jeune homme qui court en tendant la main vers l’avant, le dos chargé d’un filet enserrant des gerbes d’épis. Le mois d’Aout est symbolisé par une statue d’Artémis- Diane dressée sur un socle quadrangulaire que flanquent un cerf et un chien. La déesse porte une tunique courte et un manteau à bouts flottants, dans sa main droite elle tient un arc et de la main gauche elle retire une flèche de son carquois
- La troisième rangée comporte les trois mois de l’automne : Septembre est symbolisé par une scène de deux hommes à moitié nue, occupés à fouler des raisins dans une cuve rectangulaire. Pour conserver leur équilibre, les manœuvres, tiennent, chacun, les deux bouts d’une corde qui passe autour d’une barre fixée au dessus de leur tête. Le mout coule dans un grand chaudron, par l’intermédiaire d’une rigole aménagée dans la paroi de la cuve. Le mois d’Octobre est symbolisé par deux astrologues orientaux. Ils sont tournés l’un vers l’autre et lèvent tous les deux la main droite pour montrer une étoile. Leur costume est composé d’une longue tunique blanche, que recouvre un manteau jaune pour l’un, vert pour l’autre. Le mois de Novembre est symbolisé par trois personnages, le premier à gauche, a le visage recouvert d’un masque d’Anubis à tête de chacal. Ses deux compagnons portent sur la tête le bonnet à plumes des prêtres d’Isis
- L’hiver groupe Décembre, Janvier et février. Décembre montre une scène qui se rapporte à la fête des saturnales. On y voit trois esclaves vêtus d’un simple pagne qui rythment un pas de danse en brandissant une torche et en claquant les mains, pour exprimer leur joie d’être traités, à l’occasion de cette fête, sur pied d’égalité par leurs maitres. Le mois de Janvier est consacré au culte des Pénates, deux personnages chaudement vêtus d’un manteau sombre et d’un foulard, sont en train d’échanger des vœux. A leur gauche, se dresse une statuette auprès de laquelle sont déposées des offrandes caractéristiques : galette, poupée et pelote de laine. Le mois de Février termine l’année, un jeune chevalier romain, torse nu, frappe avec une lanière de peau de bouc le ventre d’une jeune femme pour la rendre féconde
Tous les tableaux sont accompagnés de légendes permettant de reconnaître les mois qu’ils symbolisent
Ce pavement est exposé aujourd’hui au musée de Sousse
La mosaïque à caractère cosmologique de Zaghouan
Ce pavement daté du début du 3ème siècle après J.C a été trouvé dans un oecus à Bir-Chana dans la région de Zaghouan
C’est un grand hexagone où s’inscrit un tissu géométrique très compliqué, les 7 divinités sont illustrées en buste, à l’intérieur des médaillons hexagonaux placés au centre de la composition
Au milieu saturne préside la journée du Samedi, c’est un vieillard barbu, muni d’une faucille et vetu d’un manteau dont un pan est ramené sur sa tête en guise de voile. Autour de Saturne, on voit l Soleil, la Lune, Mars, Mercure, Jupiter et Vénus, auxquels étaient voués respectivement Dimanche, Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi et Vendredi. A l’exception de Saturne, chaque divinité est accompagnée d’un animal symbolique : le Soleil avec un cheval au galop, la Lune avec un taureau bondissant, Mars avec la Louve, Mercure avec un bouc, Jupiter avec un aigle et Vénus avec une colombe
A la périphérie du pavement, s’ordonnent des médaillons circulaires et hexagonaux alternés renfermant des signes de zodiaque. On reconnaît le bélier d’Athéna Minerve, le taureau d’Aphrodite-Vénus, les gémeaux d’Apollon, le cancer d’Hermès-Mercure, le lion de Zeus-Jupiter, le vierge de Déméter- Cérès, la balance d’Héphaïstos-Vulcain, le scorpion d’Ars-mars, le sagittaire d’Artémis-Diane, le capricorne d’Hastia-vesta, le verseau d’Héra-Junon et le poisson de Poséidon-Neptune
Ce pavement est exposé aujourd’hui au musée du Bardo
La mosaïque d’Africa d’el Jem
Ce pavement a été trouvé dans la maison dite d’Africa à el Jem. Il date entre 150 et 170 après J.C
Dans un cadre carré dans lequel s’inscrit un octogone avec des angles prolongés de feuilles d’acanthe et de tiges de rosiers alternées, se trouve un buste de femme vu de face mais le regard tourné vers la gauche. C’est la déesse Africa connue à la dépouille d’éléphant qu’elle porte en guide de coiffe, la trempe au dessus de la tête
Tout autour d’Africa, on voit aux angles du tableau des médaillons circulaires renfermant des bustes féminins des Saisons : ici le printemps n’est pas présenté par la couronne de roses mais de marguerites
Alternant avec les bustes des saisons ont été ordonnés, parallèlement aux cotés du pavement quatre compartiments ovales, meublés de volatiles picorant les plantes des quatre saisons
La mosaïque de Triomphe de Neptune de la Chebba
Ce pavement qui remonte à la fin du règne d’Antonin le Pieux (138-161) a été trouvé à la Chebba dans des thermes privés
Il illustre le dieu Neptune, debout dans un char trainé par quatre hippocampes. Il tient un petit dauphin et un trident. Son corps à moitié nu, est celui d’un homme en pleine force de l’âge. Son attelage est conduit par une Néréide et un Triton
Quatre jeunes femmes en pied présentant les saisons, sont disposées suivant les diagonales du pavement. Ces femmes sont entourées de médaillons ovales, formés par des branches stylisées de végétaux caractéristiques. Chacune d’elles est flanquée d’un animal symbolique et d’une scène vivante montrant le travail agricole correspondant
Ce pavement est exposé aujourd’hui au musée du Bardo
La mosaïque de Dionysos d'Haidra
Buste d'un jeune Dionysos entouré par les bustes des Quatres Saisons. 3ème siècle après J.C. Musée du Bardo
La mosaïque de la victoire d’Apollon dans la lutte musicale d’el Jem
Ce pavement daté de la fin du 2ème siècle après J.C a été trouvé à el Jem
C’est un champ divisé par une guirlande de laurier qui détermine au centre un cadre carré et aux angles quatre médaillons circulaires que séparent des trapèzes
La scène du concours occupe le centre, elle rapporte la fin de la lutte et la victoire d’Apollon que l’on voit à droite, en train de poser une couronne sur sa tête. Il est vetu d’une ample tunique et s’assoie sur un rocher que le mosaïste a, par inconséquence, omis de dessiner
Le sature Marsyas se présente debout, tout nu. Il appuie la jambe droite sur un rocher et projette le torse en arrière pour s’arracher l’emprise d’Apollon qui, pour le maitriser, lui écrase le pied gauche. De ses deux mains, il tient une double flute dans laquelle, conscient de sa défaite, il a arrêté de souffler
Derrière ses deux personnages se trouvent deux personnes : une qui peut être soit l’élève de Marsyas (l’esclave scythe Olympos), soit le barbare muni d’un couteau s’apprête à l’écorcher. L’autre personne est Athéna, l’arbitre du concours, une lance à la main
Les médaillons d’angle entourent les bustes ailés des Saisons. Entre ces médaillons sont figurés des cratères qui contiennent des végétaux qui symbolisent aussi les quatre Saisons
Ce pavement est exposé aujourd’hui au musée du Bardo
La Mosaïque des Saisons d'El Jem
Oiseaux et personnages divers: Silène, vieillard chauve et barbu, Dionysos tenant le thyrse, Satyres et Bacchantes. Dans les angles, les quatres saisons dont il ne reste que l'Hiver et une partie du printemps
Première moitié du troisième siècle après J.C. Maison du paon. Musée d'el Jem
Mosaïque des mois de Sousse
Fragment d’une mosaïque, à composition de cercles sécants, figurant des cratères à pied et les mois de l’année. Cette représentation évoque le dieu Dionysos et la fécondité renouvelée de la nature
Début du 3ème siècle après J.C. Maison romaine, Sousse. Musée de Sousse
- Dans un hexagone aux cotés concaves : Aion, le temps éternel entouré de la déesse Lune- Artémis à droite, de Sol- Apollon à gauche et des quatre saisons. 3ème siècle après J.C. Terrain Ali Slama Bouslah. Musée d’el Jem
- Fragment d’un pavement de triclinium représentant, au milieu d’un décor floral, des bustes féminins personnifiant les quatre saisons, des oiseaux de gibier, des poissons, des fruits, des masques dionysiaques… Sur la bordure s’affrontent divers animaux. 2ème siècle après J.C. Maison de la procession dionysiaque. Musée d’el Jem
- Quatre masques dans des médaillons symbolisant chacun une saison. 2ème siècle après J.C. Maison de la procession dionysiaque. Musée d’el Jem
- Les quatre saisons figurées dans quatre couronnes. Elles symbolisent le cycle éternel de la vie. 3ème siècle après J.C. Terrain Jilani Guirat. Musée d'el Jem
Sources
- Splendeurs des mosaïques de Tunisie, Mohamed Yacoub
- Musée de Sousse, Alain Rebourg
- Sousse, l’antique Hadrumetum, Néji Djelloul