Quand l’Afrique du Nord Illustrée parle de Kerkennah

Un beau article parlant de Kerkennah est apparu dans le journal: l’Afrique du Nord Illustrée le 7 Septembre 1935. Bonne lecture:

Une visite aux îles Kerkennah

A onze milles au large et à l’Est de Sfax se trou­vent les ·« îles Kerkennah », que les navigateurs évi­tent pour leurs hauts fonds dangereux; l’archipel se compose de deux îles principales, « Dziza » et « Me­litta », dont · le pourtour total est de 70 kilomètres environ. Ces îles sont absolument plates, on trouve  dans la partie Nord d’immenses « sebkhas » couver­tes de sel et qui sont sensiblement au même niveau que celui de la mer. Le point le plus élevé, Sidi­ Fredj groupe à son sommet – d’où l’œil embrasse un panorama sur toute l’île – les ruines d’un ancien fort espagnol, « le Bordj-el-Ksar».

La population est paisible, laborieuse, elle s’adonne surtout à la pêche au filet, aux nasses ou au moyen surtout
de bordigues fixes disposées le long du rivage. Le ker­kennien est né marin ; tout jeune, il accompagne son
père dans ses pérégrinations sur mer, faisant ainsi son apprentissage soit à la pêche, soit dans des tournées de cabotage sur les côtes tunisiennes à bord des « louds »,. des « sondais » ou des karebs » à formes mes archaïques. Parvenu à l’Age  d’homme, le kerkennien devant satisfaireà ses obligations militaires, est incorporé de préférence dans le contingent des (( baharia )) ou armée de mer tunisienne qui four­nit de précieux auxiliaires à la défense navale fran­çaise dans la Régence. Pêcheur d’abord, le kerkennien, quand il est à des travaux de terre, se livre aussi sans relâche sparterie, confection de couffins, nasses, cordages, le tout fabriqué avec de l’alfa que les femmes prépa­rent. Le soir venu, la population mâle s’installe, les jambes croisées, au seuil des cafés maures ; dans un silence impressionnant ; une voix se fait entendre, celle du conteur arabe qui narre les hauts faits d’un héros imaginaire, ou les farces burlesques de Dja­bra le gribouille tunisien, ou encore commente à sa façon les évènements qui ont pu se dérouler en Tunisie. Et tandis que monte, dans la nuit calme, la narration du conteur ou le chant d’une vieille
complainte locale, les mains des auditeurs, tous sans exception, manipulent avec dextérité les tresses­ d’alfa qui, sous les doigts agiles, se transfor­ment en cordages, en couffins ou en scourtins pour les presses à huile .

Les deux îles sont couvertes de palmiers, au nombre de 500.000 environ ; les indigènes pratiquent aussi la culture des céréales qui donne. des rende­ments appréciables lorsque les pluies sont suffisantes. Il advient malheureusement parfois que la disette d'eau se fait durement sentir dans ce pays où il n'y a pas une rivière, pas une source.
On compte neuf bourgades importantes dans ces iles peuplées d'environ 15.000 âmes. Les écoles sont nombreuses, car l'enfance est avide de s'instruire et studieuse. Les villages ne sont reliés entr'eux que par des pistes, très suffisantes pour la circulation qui se fait seulement à pied, à dos d'âne ou de chameau car il n'y a dans ces îles ni cheval, ni automobile.
Jadis, les îles Kerkennah étaient, du fait de leur éloignement, choisies comme lieu de déportation; il n'en est plus de même aujourd'hui ; les relations avec le continent sont fréquentes, ossu rées par des barques de pêche et par le service régulier d'un petit bâtiment à moteur de faible tonnage. Si l'on manque de dis­traction, du moins · les Européens qui séjournent - instituteurs et leur famille - ne se sentent plus iso­lés. On mène une vie calme, sans agitation, sans bruit ; on se sent loin de toute civilisation dans une atmosphère douce et reposante.

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