Le site archéologique d’Younga
Par Zaher Kammoun
Le site archéologique d’Younga (antique IUNCI Sofiana ou Macadomes Minores ou IUNCA) se trouve à 45 km de la ville de Sfax et à 10 km au Sud de Mahrès.
Son histoire remonte à l’époque punique mais Younga a connu son apogée surtout pendant l’époque romaine chrétienne et byzantine. Elle a pris son nom de la plante ‘’le jonc’’ (son nom latin est Joncus) ou ‘’smar ‘’en arabe. En effet à l’Ouest de Borj Younga se trouve une région qui s’appelle Bled Smara et près d’un Oued qui s’appelle Oued Smara
Cette ville a été mentionnée pendant le congrès chrétien de Carthage. Valentinia Noss assista à ce congrès en représentant Younga. Un concile provincial s’est tenu à Younga en 524.
Le site archéologique d’Younga s’étend en bordure de mer sur près de 3 km, de part et d’autre de la forteresse de Younga.
Des murailles furent construites à Younga entre 574 et 578 sous le règne de Justin II. Une inscription bilingue (grec et latin) trouvée à la Koubba de Sidi Ghérib et conservée aujourd’hui à musée du Louvre commémore la construction d’une fortification sous le règne des empereurs Justin II et Tibère II. Cette pierre réemployée indique probablement la construction du fort d’Younga qui existe jusqu’ aujourd’hui
Numidius était un évêque de Junca en 641, Tertulle en 482, Valentinien en 411 et Verecundus en 553
La notice de Léon le Sage atteste qu’en 883, Junca avait encore un Évêque.
Plusieurs fouilles ont été faites entre 1934 et 1939 et de 1947 à 1951 (Feuille)
Edifices
La forteresse d’Younga
La forteresse d’Younga est vraisemblablement d’origine byzantine, elle était aussi le siège d’un ribat Aghlabite mais les structures du monument actuel datent de l’époque ziride (XIème-XIIème siècle)
Elle a une forme trapézoïdale (40X47,5m) percée d’une porte aménagée dans un saillant barlong. La hauteur du fort est de 8 m. Des tours octogonales, cylindriques et barlonges flanquent la courtine
La muraille est pleine et de 2 à 3 m d’épaisseur. Des meurtrières sont aménagées à la base des murailles (trois par courtine).
El Bekri et el Idrissi désignent le fort d’Younga sous le nom de Qasr Erroum (le château des romains)
Les basiliques d’Younga
La basilique I
La basilique II
Trois édifices chrétiens ont été fouillés jusqu’à maintenant :
- Une première église se trouve à 300 m de la forteresse a été dégagée par G.-L. Feuille de 1935 à 1939. C’est un monument orienté Est-Nord-Est/Ouest-Sud-Ouest, construit sur un plan rectangulaire de 55 x 23 m. Elle se divisait en 5 nefs et comportait une abside et une contre abside, précédées chacune d'un choeur surélevé
- Un baptistère se trouve à une distance de 30m S. SE de la première église. Il a une forme rectangulaire (32m15X10m86) et composé de quadratum précédé d’un narthex, d’un corps central divisé en trois nefs et d’une abside
- Un autre ensemble monumental a été fouillé incomplètement de 1947 à 1951 par P. Garrigue, à 300 m du rivage et à 450 m au sud-ouest du fort. Il a fait l’objet d’une nouvelle interprétation par N. Duval (1973) comme un exemple de choix d’église byzantine à contre-abside. C’est une grande église (78 m de long au total, 35 de large à la hauteur du presbyterium), orientée Nord-Ouest/Sud-Est.
Une campagne de fouilles a mis au jour une église et son baptistère:
La nouvelle église (église II) se trouve à 400 m au sud de la première. Elle est orientée Nord Ouest Sud Est et mesure 73,49m sur 19,5m
Le presbyterium est précédé d’un chœur surélevé, perpendiculairement auquel sont placés deux salles se terminant en abside qui forment transept. Le quadratum est divisé en trois nefs (la nef centrale de 7,85m et les nefs collatérales de 5,5 m), une contre abside se trouve en face du chœur à l’extrémité. En arrière se trouve un espace qui renferme des tombes décorées de longues croix latines pattées et d’inscriptions
Sur le collatéral oriental s’ouvre une longue pièce qui parait être un couloir d’accès et qui borde au nord ouest un petit oratoire donnant lui-même sur le bas coté
Des portes précédées de marches semi circulaires donnent sur une longue pièce contigüe à une chapelle.
L’église est construite de grand appareil sous forme de chainage et de contreforts. Des tambours de colonnes, des bases et des chapiteaux ont été taillés dans le grès jaune. Le chœur et l’abside étaient décorés de mosaïques. Le pavement du presbyterium présente une inscription précédée d’une croix latine :
CVIVS NOMEN DEVS SCIT vo TVM SOLBIT
La décoration de la mosaïque est axée sur deux motifs centraux : un canthare d’où s’échappent des ceps de vigne qui se développent de part et d’autre du panneau en involutions, et un aigle posé sur le dos d’un lièvre accroupi. La tête du rapace est surmontée d’une couronne gemmée. Le canthare est flanqué à droite d’un cerf s’abreuvant dans les flots qui s’échappent de ses bords. Les rinceaux formés par les branches de la vigne sont chargé de pampres et de grappes au milieu desquels sont figurés des oiseaux (un paon, un coq, un flamant, des canards, des éperviers et de petits oiseaux type passereaux). C’est une œuvre produite dans la région de Sfax et datée du 6ème siècle (de la même nature que l’église el Mouasset)
La seconde mosaïque qui décore le chœur est composée de médaillons carrés représentant des animaux : lion, cerf, panthère, cheval encadrés de méandres décorés de torsades
La citerne
C’est une grande citerne à deux galeries voûtées de 8 x 35 m
Une usine de salaison
Les cuves de cette usine ont été déchaussées par le recul d’un chenal de marée
Ce qui reste d'Younga dans la zaouïa du marabout Sidi Ahmed Abssa
La zaouïa du marabout Sidi Ahmed Abssa se situe à quelques mètres de la forteresse. Elle est construite de matériaux de réemploi du site archéologique d'Younga. Le visiteur peut voir des chapiteaux et des colonnes dans cette zaouïa.
Ce qui reste d'Younga au musée du Bardo
Plusieurs pièces du site archéologique d'Younga sont exposées aujourd’hui au musée du Bardo. Voila quelques exemples:
La mosaïque: l'ensemble du Saint Sépulcre et du Golgotha d'Younga
Dans la mosaïque, on voit au premier plan le ciborium du Golgotha, érigé sur le lieu de la crucifixion du Christ, d'ou s'écoulent les quatre fleuves du paradis: le Geon, le Fison, le Tigre et l'Euphrate allusion au nom (les quatre évangiles) et auquels s'abreuvent des brebis, figures des fidèles. A l'arrière plan, le Saint Sépulcre à la porte entr'ouverte, entouré de deux édifices, symboles de Bethléem et de Jérusalem.
Provenance: seuil du martyrium érigé en l'honneur du Christ dans l'église III d'Younga. Début du 6 ème siècle après J.C
Sources
- Les fortifications en Tunisie, Neji Djelloul
- Histoire générale de la Tunisie, Tome 2
- La ville de Mahrès à travers les époques, aperçu historique
- Younga, notice de Macomades Minores-Iunci Zeineb Ben Zina Ben Abdallah
- Tunisie intime , Younga, la sacrifice de la princesse, Tahar Ayachi
- Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques, années 1934-1935 Paris Younga, Saumagne
- Le baptistère de IUNCA (Macomades Minores), G.L Feuille
- Younga, Qasr al Majus et Qasr el Rum, Faouzi Mahfoudh
- المحرس محرس و حضارة و مدينة الجمال التشكيلي للأستاذ الهاشمي بيبي
- Encyclopédie berbère Iunci (Macomades), P. Trousset
- Une basilique byzantine à Junca en Byzacène, Pierre Garrigue
- Cités antiques et villas romaines de la région sfaxienne, Mohamed Fendri
- Géographie de l’Afrique chrétienne, Byzacène et Tripolitaine, Monseigneur Toulotte
- Voyage archéologique dans la Régence de Tunis. T. 1, Guérin
- Exploration scientifique de la Tunisie, livre 2, géographie ancienne, Tissot
- Revue africaine, des routes romaines du sud de la Byzacène, Ch. Tissot
- Eglise cruciforme de Iunca (Macomades Minores), (première campagne de fouille, Juin 1949)), par M. G-L Feuille, bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques, 1950
- L’église de IUNCA, L. Feuille, revue Tunisienne, 1940
- Géographie de l’Afrique chrétienne, Byzacène et Tripolitaine, Monseigneur Toulotte
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